Visages de la santé mentale

Rachelle

J’ai reçu le diagnostic de dépression pour la première fois à l’âge de 24 ans. Je suivais ma première année de formation en science de laboratoire médical, et même si j’éprouvais des problèmes émotionnels, j’ai été enthousiaste à l’idée d’avoir trouvé mon chemin.

La santé mentale peut être touchée par tant de choses que j’avais de la difficulté à préciser la cause de ma mauvaise humeur, qu’elle soit déclenchée par un épisode dépressif, ou un événement important comme l’achat d’une maison (j’en ai achetées et vendues plusieurs au fil des ans), la planification d’un mariage, le fait d’élever mes jumeaux, un nouvel emploi ou le déménagement d’un bout à l’autre du pays, et beaucoup plus encore.

Au cours de deux décennies, j’ai essayé des médicaments antidépressifs, des consultations auprès de psychiatres et des livres de développement personnel, mais rien n’a complètement marché. Je veux dire que de temps en temps je me trouvais au comble du désespoir durant une ou deux semaines, puis je me sentais mieux, mais pas 100 %. Je crois que les médicaments m’ont aidée à sortir des profondeurs, mais je n’ai réussi à atteindre mon plein potentiel que quelques mois par année.

Se remettre de la dépression varie énormément d’une personne à l’autre et dépend de plusieurs facteurs. Certaines l’éprouveront une ou deux fois pendant leur vie. Pour moi, il s’agit d’une lutte continuelle.

Cependant, je garde l’espoir que je surmonterai un jour cette affliction. Bien que j’éprouve encore des épisodes dépressifs durant lesquels je n’arrive pas à faire face au monde, ceux-ci sont devenus plus courts et beaucoup moins fréquents. Je crois que ma mentalité a contribué le plus à mon mieux-être. J’étais auparavant pessimiste, mais maintenant je tente de voir l’aspect positif de chaque situation, et je m’efforce de prendre le temps de me détendre.

Je suis certaine que vous êtes tous au courant de l’adage « Ralentissez et profitez du moment présent ». Eh bien, je viens récemment de faire exactement ça. Je passe encore des jours très chargés et stressants, mais je suis au meilleur de ma forme quand je fais l’effort d’éliminer les pensées négatives ou les jugements. Je me permets de sentir le sable ou l’herbe sous mes pieds, d’entendre le chant des oiseaux, le vent qui hurle ou les gouttes de pluie qui frappent à la fenêtre.

J’y arriverai, un jour à la fois.

Lorenne

Il peut s’avérer difficile de parler de santé mentale, surtout au travail. Il s’agit d’un sujet délicat à observer et à mesurer, en comparaison avec les résultats de laboratoire que nous sommes habitués à divulguer quotidiennement. Même si vous n’avez pas l’apparence d’être malade, il se peut que vous soyez en lutte mentalement. Pour moi, il m’a fallu beaucoup de temps pour constater que j’arrivais en bout de course et ce, depuis longtemps.

J’étais épuisée. En jonglant mon travail par quarts avec les soins de ma famille de cinq personnes et ma liste éternelle des choses à faire, j’étais vidée. Je ne prenais pas le temps nécessaire pour me concentrer sur mes besoins ou mes désirs. Encline à me placer en dernier lieu, comme le fait la plupart d’entre nous, je ne faisais pas l’effort de me détendre ou de me recharger. J’avais l’impression que je pourrais continuer de cette manière, en mettant un pied devant l’autre. J’avais trop à faire, donc je me couchais tard et me levais tôt presque tous les jours.

Je suivais ce cycle depuis si longtemps que je suis arrivée à un point où il semblait que j’avais un ballon lourd dans l’estomac derrière mon nombril, et j’ai perdu l’appétit. Même en me baladant, j’avais le sentiment de pleurer à tout moment, déclenché par des événements au hasard. La situation s’est tellement détériorée que j’ai commencé à éviter d’éprouver toutes les émotions. La simple action de regarder une émission télé policière où quelqu’un a été arrêté provoquait en moi de grandes émotions d’anxiété. Peu importe mes stratégies pour me sentir mieux, comme une solution rapide telle que des siestes plus fréquentes ou m’adonner à mes breuvages ou aliments favoris, rien ne me soulageait. Mes problèmes se sont aggravés jusqu’au point où, pendant une sortie avec mon mari, je me suis assise dans un restaurant et tout mon corps tremblait; j’ai voulu sauter au plafond. Je n’ai jamais éprouvé une crise de panique, mais c’était évidemment ça qui s’est passé. Nous avons dû terminer notre soirée tôt car j’avais de la difficulté à respirer et à résister à l’envie de vomir. Il m’a été impossible de me détendre.

Il s’avère que mes symptômes étaient des indications que trop d’adrénaline circulait dans mon corps et je ne possédais pas les moyens de l’éliminer. Puisque je me suis placée dans une situation de lutte ou de fuite pendant trop longtemps, mon corps était épuisé. Je me suis rendu compte que j’avais sérieusement besoin d’aide avant que la situation ne se détériore davantage. J’ai adopté les conseils sages de mon médecin visant à participer au programme d’aide aux employés offert par mon employeur. J’ai appris comment identifier plusieurs points majeurs, comme reconnaître l’importance du sommeil et dormir pendant plus de 7 heures chaque nuit. J’ai encore une fois commencé à tenir un journal, ce qui m’a permis de faire sortir mes idées sur papier pour qu’elles ne se nichent pas dans mon cerveau pendant toute la nuit. J’ai également appris que je suis devenue dépendante de mes pensées et qu’il fallait me détendre par la méditation et des exercices de respiration; un excellent outil pour ce faire est Mindshift, une appli gratuite pour téléphones intelligents offrant divers outils pour la santé mentale. Une autre stratégie importante a été de baisser mes attentes et d’être moins perfectionniste; je ne peux pas maîtriser tout et tous.

Tout au long de mon parcours vers la santé mentale, je me suis rendu compte qu’il faut se placer en premier. On n’a qu’une identité et la vie est trop courte pour passer ses jours dans la misère. Si quelque chose ne fonctionne pas pour vous, tendez le bras. Il y a de nombreuses personnes à votre disposition pour vous aider ou vous écouter, et beaucoup de ressources vous permettant de faire des changements dans votre vie. Vous n’êtes pas faible si vous vous sentez mal, mais ne perdez pas de temps à penser que vous allez vous débrouiller. Donnez la priorité à votre bonheur.

Description de l’image :: J’aime cette photo parce qu’on l’a prise juste avant ma période d’épuisement. J’avais planifié un événement social pour mes collègues dans le labo et le service de radiologie. Nous avons passé une soirée agréable de lancer de hache. L’événement a été très amusant, nous avons diminué le stress en même temps. Nous avons appris comment lancer au-dessus de la tête, d’une seule main et en dessous. Nous avons même participé à un tournoi. J’apprécie cette photo aussi parce qu’elle me fait penser au contrôle de la qualité et à nos efforts d’atteindre la précision et l’exactitude.

Lisette

Je suis technologiste de laboratoire médical depuis 30 ans. Pendant cette période, j’ai éprouvé deux épuisements professionnels. Aujourd’hui, je vous parle de mon premier épisode:

Je travaillais à temps plein selon un horaire tournant, et ma vie était très occupée. Le quart de nuit me convenait parfaitement parce que cela me permettait de passer du temps avec mes deux fils. Je restais à la maison avec eux pendant la soirée, et je dormais pendant qu’ils fréquentaient l’école. De plus, les quarts de nuit étaient d’habitude tranquilles, donc j’étais en mesure d’étudier en vue d’obtenir mon baccalauréat. D’autres pressions se présentaient aussi. Nous n’avions qu’une source de revenu solide. J’étais également perfectionniste – j’insistais que mon foyer soit impeccablement propre, et je faisais du bénévolat à l’école.

Lors d’un été, j’ai commencé à subir des douleurs thoraciques. Je me suis rendue au service d’urgence deux ou trois fois, on a procédé à des échographies et à un ECG, mais personne n’a pu identifier d’anomalies physiques. Mais, je ressentais de la douleur à l’intérieur de mon corps. Mon médecin m’a ordonné de prendre un congé lié au stress.

L’hiver suivant, pire encore, mes problèmes conjugaux ont atteint un sommet sans précédent. Ces circonstances m’ont déroutée, mais nous nous sommes réconciliés et avons convenu de suivre une thérapie ensemble. Pendant le printemps, la situation s’est détériorée jusqu’à un niveau incompréhensible, au point où j’étais complètement déraillée.

J’éprouvais tant de douleur. Je ne voulais plus vivre. Je me suis retrouvée à la salle d’urgence. Au lit, je me suis dit que qu’il fallait que je fasse un changement de vie, autrement, je ne serais plus là pour mes fils.

J’ai décidé de chercher de l’aide. J’ai pris quelques décisions difficiles, mais celles-ci ont amélioré mon état et m’ont aidée à revenir vers mes fils et mon travail.

Ce n’était pas facile de travailler tout au long de cette crise. L’impact le plus important sur mon travail dans le labo fut mes problèmes de concentration et mes appels fréquents pour me porter malade. Mes collègues ne pouvaient pas compter sur moi, et quand je me suis remise au travail, j’ai eu l’impression qu’ils me jugeaient.

Si je n’ai qu’un conseil à donner à quelqu’un qui s’occupe d’une situation difficile dans sa vie, c’est de demander de l’aide. Plus vous cherchez de l’appui tôt, plus votre santé s’améliorera.

Dans votre lieu de travail, gardez à l’esprit que chaque personne qui se présente à son quart a ses propres problèmes. Pratiquez l’empathie.

Si vous voulez aider un collègue, posez cette simple question : « Comment puis-je contribuer à améliorer votre journée aujourd’hui? ».

Joël

Bonjour tout le monde. Je m’appelle Joël. Je suis défenseur et allié de la santé mentale. Bien que je ne vive pas avec une maladie mentale, celle-ci touche bon nombre des personnes dans mon entourage professionnel et personnel. La majorité souffre en silence, mais pour beaucoup, ce n’est pas nécessaire.

Je crois que chaque personne joue un rôle dans la promotion de la santé mentale. Des initiatives annuelles, comme Bell Cause pour la cause, ont aidé à sensibiliser le public aux questions de santé mentale et à les mettre au premier plan, mais c’est à nous de poursuivre la conversation tout au long de l’année. Vous pouvez contribuer de diverses façons, sans trop d’effort (c.-à-d., pas besoin d’expérience en planification d’événements ni de compétences technologiques!!). D’abord, optez pour la compassion et l’empathie; tout le monde livre son propre combat. En deuxième lieu, je vous encourage à vous informer davantage sur les maladies mentales (par ex., ressources sur la santé mentale sur le site Web de la SCSLM ou un cours de premiers soins en santé mentale). Troisièmement, essayez de favoriser des espaces sécuritaires pour amorcer des discussions ouvertes et sincères avec ceux qui vous entourent. Enfin, pratiquez régulièrement l’autogestion en matière de santé pour vous assurer de répondre à vos propres besoins avant tout; vous êtes votre ressource la plus importante!

À titre de fervent partisan des organisations qui soutiennent la promotion de la santé mentale, je fais tout en mon pouvoir pour ramener la sensibilisation envers la santé mentale à l’avant-plan. J’anime et j’organise des événements communautaires annuels de collecte de fonds pour des groupes comme l’Association canadienne pour la santé mentale, le Support Network et Youth Empowerment Support Services. Grâce à la recherche participative à l’Université de l’Alberta, j’ai également aidé à piloter un programme de sensibilisation à faible coût par SMS (soit le textage) en vue d’améliorer la liaison entre les refuges d’urgence et les jeunes transitoires sans abri, dont la majorité souffre de maladies mentales et éprouve de dures réalités. Ce projet donne aux personnes les plus vulnérables (moins de 10 jours dans les rues) des options et l’accès à des services pour satisfaire aux besoins humains essentiels. En même temps, le programme permet aux fournisseurs de services d’atteindre des membres du groupe démographique le plus à risque de retranchement, en les rassurant qu’ils ne sont pas isolés et en les tenant loin des rues pour s’intégrer dans un environnement sécuritaire, accueillant et inclusif.

Des espaces sécuritaires, l’inclusion, la compassion et l’acceptation (c’est correct de ne pas être correct) aident à renforcer la promotion efficace et authentique de la santé mentale.